mercredi 16 juillet 2008

La Transaq de l’intérieur ! (épisode 5 et fin)

Jeudi 5 juin : étape de nuit de 37 kilomètres entre Arcachon et La Salie avec 708 mètres de D+
Ce matin, réveil tardif… grasse matinée pour une fois ! Mais ce qui nous est concocté devrait valoir son pesant de cacahuètes.
Je me suis endormi comme un souche à 20 h 30 pour me réveiller au moins 5 fois pour pisser ! La veille, lors de l’étape longue, j’étais inquiet car je n’ai pas uriné malgré l’absorption d‘au moins 4 litres en course et 4 après l’étape…) Chaque fois même cérémonial de lever en essayant de ne pas réveiller mes colocataire Valérie et Marc, ouverture des 2 portes de la tente (dans le noir) et éloignement du campement pour me soulager la vessie… On croit toujours que l’envie va passer mais en vain, il faut y aller sinon le besoin devient trop pressant.
Je suis mieux au lever qu’hier soir ; j’étais en hypoglycémie, sans sucre rapide après avoir donné mes 2 barres sur la course, l’une à Lulu, l’autre à Philippe avec un peu d’un mélange de noix, noisettes, noix de cajou… car ce dernier était sec et nauséeux.
On prend le petit déjeuner vers 9 h car on n’osait pas, jusque là sortir des tentes en raison des pluies intermittentes assez soutenues.
Au petit déjeuner, avec 2 grands cafés, je grignote des céréales à sec alors que d’autres attaquent à la semoule chaude par exemple. Lors des éclaircies, chacun fait chauffer un peu d’eau, qui pour du thé et qui pour du café déshydraté.
A 11h, a lieu le briefing. Gérard nous met la pression sur la nécessité d’être vigilant au balisage (fluo en partie à partir de la dune) et si on se perd, consigne : aller vers l’ouest jusqu’à la route puis au sud direction Biscarosse… route sur laquelle le staff patrouillera pour récupérer les « perdus ». Pression est mise également sur la nécessité de manger à l’arrivée de l’étape de nuit, car le départ pour contournement du CEL se fera à 8 h 30 ! pour une nouvelle étape de 36km, soit 73 kilomètres sur 2 jours mais moins de 24 heures, à gérer comme une seule compte tenu du peu de récupération entre les deux courses.

Vers 12 h 30, surprise… un vrai repas froid nous est livré comportant une salade de pâtes au thon, une pomme, un brownie, un saucisson, un coca… Je venais juste de finir la purée que j’avais au programme (si j’avais su, je l’aurais mangée la veille ; quand j’étais mal !!!) mais je ne voulais pas taper dans les réserves du lendemain. Je garderai donc le brownie pour la fin d’étape de nuit et je prendrai la salade de pâtes au thon avant d’embarquer pour traverser l’embouchure du bassin d’Arcachon.

Suite du programme :
16 h : distribution des bouteilles d’eau et pointage du road book.
17 h embarquement sur Zodiac au départ d’une superbe propriété au Cap Ferret. La traversée en bateau super puissant (300 chevaux !) ne prend pas plus de 5 mm, assis sur le plat bord.
L’embarquement se fait à pied sec, de la crique privée et sablonneuse. L’arrivée à Arcachon est plus mouvementée, le bateau ne pouvant s’échouer sur la plage, il faut sauter à l’eau (30 cm qui suffisent à mouiller les pieds et surtout les pansements de ceux qui sont blessés. Walter a pris soin, comme les anciens qui se sont pourtant bien gardés de le dire, de placer son pied dans un sac poubelle.
Puis c’est encore l’attente ; j’en profite pour refaire les pansements de Jérôme. Il ne fait pas chaud, la mer est haute. Des promeneurs nous demandent jusqu’où nous allons ; ils sont surpris de savoir que nous sommes partis du Pin Sec pour nous rendre à Vieux Boucau; on discute de la côte, de la plage et de la nécessité de ré-ensabler la place une fois par an. Nos questions ne sont pas innocentes ; Lulu et Arnaud ont repéré une possibilité de prendre la plage en descendant directement de la dune au lieu de parcourir le sommet sur 3 kilomètres dans le sable mou.

L’heure du départ arrive ; Thierry Arnier, un des leaders, a demandé que les filles passent devant sur toute la longueur de la plage. On respecte ce souhait, puis la meute est à nouveau lâchée !
Walter et Jérôme sont vigilants et tactiques. Ils en ont marre d’être parfois devancés par les orienteurs d’un niveau inférieur en course à pied. Depuis le début ils s’entendent bien ; craignant d’être battus en final par les équipes expérimentées en orientation.
Après plusieurs kilomètres de chemin, vallonnés et roulants, on tape le mur! La dune du Pila.
On monte à la queue leu leu, parfois à quatre pattes. Deux options sont possibles : soit droit devant, soit en lacet.
Lulu et moi qui courons ensemble depuis la veille optons pour le tout droit.
Au-dessus, le spectacle est saisissant. La forêt de pins s’étend à perte de vue. Le coucher de soleil est superbe. Après que Caroline nous ait indiqué que le contrôle était en face, « tout droit » par le sommet, à 3 kilomètres. On se jette un regard et l’un des 2 dit : « on y va » ! On oblique alors à droite pour quelques minutes de pur bonheur, la dune se laisse descendre à toute enjambée. La plage est là. la mer, haute à 20 h s’est retirée, il est 21 h 45. Le sable est relativement dur ; je dirais S2 alors que le sommet est classé S6. On court sur environ 3 kilomètres et on trouve sur notre gauche des coureurs qui avalent la descente. Ils sont déjà passés au contrôle situé en amont.
On remonte donc sous des parapentistes très doués qui profitent des courants ascendants.
Après quelques centaines de mètres de montée, on trouve le contrôle. Y sont présents les coureurs que l’on a laissés au début de notre option ! On a voulu jouer ; on n’a pas perdu !!!
Puis c’est une longue plage avec des blockhaus posés de guingois sur le sable, les fondations sont minées par le sac et le ressac. Nous sommes accompagnés par Jim, le jeune anglais de 24 ans seulement.
Le reste du parcours est une succession de bosses, pas très hautes, mais casse-pattes (708 m de dénivelé positif dont « seuls » 115 m attribués à la dune du Pyla…) Lulu n’est pas au mieux ; une grosse ampoule sur son gros orteil et un décollement de l’ongle l’obligent à courir en esquivant l’appui à droite, causant avec la répétition des kilomètres, une tendinite du jambier antérieur.

A deux, on se soutient mutuellement ; quand l’un a un coup de mou, l’autre l’incite à continuer ; et puis, on discute (ce qui n’est pas forcément idéal car on peut louper une balise ou une bifurcation par manque de vigilance).
Notre allure est régulière. On pointe à l’arrivée en 4 h 51, main dans la main, on est 40ème de l’étape. Je reprends même une place au général je suis 49ème .

Après une toilette sommaire, au gant de toilette devant un lavabo d’eau froide encore et toujours, il est 2 h 30 du matin. La nuit sera courte, les bus pour contourner le CEL seront là à 8h30, comme prévu.

Vendredi 6 juin : étape de 36.2 kilomètres entre La Salie et Saint Girons avec 377 mètres de D+
Le lever est prévu à 7 h. En fait, dès 6 h 30, je suis éveillé. La journée sera rude alors j’attaque le repas du midi (à cette heure-là je serai en course). C’est donc semoule méditerranéenne, Muesli et deux fois 2 dosettes de café.
Valérie, arrivée tard dans la nuit, n’a pas la pêche ; ses vêtements de course sont mouillés, en particulier brassière et short …bien sûr, ça ne sera pas sec pour l’étape du jour. La fatigue accumulée est certainement pour quelque chose dans sa peine…
Lulu n’a pas le moral, lui non plus. Je refais son pansement de gros orteil après avoir percé une grosse ampoule à la base de l’ongle du gros orteil. L’ongle se décolle et bouge tout seul. Des larmes perlent dans ses yeux, de douleur, de hargne, de déception, de crainte de ne pouvoir se chausser ce matin, de ne pouvoir me suivre, de peur de me retarder ? Tout ça en même temps probablement. Je tente de le réconforter, mais je sens que je suis, moi aussi, fragilisé par sa détresse. Je m’en veux presque d’aller bien…
On a dit que l’on ferait la course ensemble. On la fera, mais c’est pas gagné.

Le reste des coloc de la Gracieuse est en forme. Je refais le pansement de pied de Walter qui est confiant et serein. Il craignait l’étape de nuit et les orienteurs ; mais avec Jérôme, ils ont encore joué la solidarité.
9 h, les 3 bus arrivent, on embarque, Caroline pointe ; en route pour Mimizan pour le départ d’une étape de 36 kilomètres et 377m de dénivelé. L’arrivée sera jugée à Saint Girons plage.
Au terme de cette étape, nous aurons parcouru 73 kilomètres en moins de 24 heures.

Nous savons qu’à St Girons Plage nous attend un super camping avec bloc sanitaire, eau chaude, douches…un mot que l’on osait plus prononcer !!!! Depuis samedi passé, on est coupé du monde ; se lavant par morceaux, avec de l’eau froide, voire glaciale quand la température corporelle est élevée…
A 10 heures30, le départ nous est donné.
J’ai beaucoup aimé cette étape, une nouvelle fois courue avec Lulu, très éprouvé et inquiet avant de partir par l’état de ses pieds. Cependant, avec antalgiques et surtout courage, le rythme s’est rapidement fait soutenu ! Nos allures sont semblables et nos coups de mou ne se sont pas toujours présentés en même temps.
Une zone ira jusqu’à ressembler à nos sous bois franc-comtois, avec chênes et acacias.
Les pares-feu nous ont été épargnés ; contrairement aux pistes cyclables et à de longues pistes dallées construites par et pour les résiniers pour déplacer leurs carrioles pleines de résine.
Handicap majeur ; vent et soleil, qui, malgré l’ombrage occasionnel, entraînent des écarts considérables. Des concurrents déshydratés arrivent dans un état lamentable parfois.
Je dois avouer que je n’étais pas fier, juste avant le dernier ravitaillement. Je n’avais plus d’eau (mais Lulu en avait encore un peu, au cas où…).

Pendant la course, comme les fois précédentes, j’ai bu dès le départ de l’ADEP puis mangé un mélange de fruits secs et de noix diverses (cajou, amande, noisettes…). Je n’ai eu jusqu’ici aucun trouble digestif… Ce qui n’est pas le cas d’un groupe d’Irlandais dont l’un est arrivé avec une gastro (plombant ses collègues au passage !)

Walter et Jérôme, pour la 5ème fois ont gagné, main dans la main. Ils sont donc toujours premier et deuxième, séparés par 17 secondes depuis la 2ème étape !
Quant à moi, je termine 30ème, ex-aequo avec Lulu, comme les 3 jours précédents.

Douche chaude, comme promis à l’arrivée…

Ce vendredi soir, dernière veillée d’avant le final sur 20 kilomètres de plage en dévers pourrait-il
Le sac s’allège au fur et à mesure que nous avançons. Demain, il devrait faire environ 3.5kg sans l’eau.
Depuis 3 h, je n’arrive pas à retrouver le sommeil…Trop d’images, de contacts et de rencontres au cours de cette course dont le format est approximativement celui du Marathon des Sables. Trop de douleurs, de raideurs, de contractures liées au port du sac.
Mes pieds aussi me font mal, pas d’ampoules à proprement parler mais une impression d’ usure cutanée et de points de contacts au sol hyper algiques malgré mes semelles orthopédiques.

J’appréhende un peu l’étape du jour, la dernière, qui débute à 10 h, non pas à cause de la distance (20 kilomètres), mais de sa difficulté avec 15 kilomètres de plage coupée d’un gué qui promet d’être profond car la marée a un gros coefficient et qu’elle aura été haute vers 8 heures. Comment vont se comporter nos pieds mouillés, détrempés, ramollis sans les guêtres, plein de pansements et de plaies pour certains ?
Après le gué, il restera 5 kilomètres à parcourir avec des chaussures pleines d’eau… La ligne d’arrivée est à Vieux Boucau.


Samedi 7 juin : étape de 20.3 kilomètres entre Saint Girons et Vieux Boucau avec 50 mètres de D+
Petit déjeuner vers 7 heures ; comme d’habitude ce sera Muesli et 2 cafés (1 vrai et 1 déca) c’est tout ce qu’il me reste !
Le rangement et surtout le tri de ce que je garde et ce que je jette pour m’alléger me prendra du temps (claquettes, brosse à dents, emballages surtout).
Quelqu’un de l’organisation passe pour indiquer l’heure du départ 10 h 10 pour se caler sur France 3 qui fait un direct à l’arrivée. Comme si on savait au départ d’une course, combien de temps, il va falloir, de façon précise.
Bref… 4 mm avant de partir Pink Floyd est au rendez-vous et Caroline nous dit quelques mots traduits par Sue en anglais, sa langue natale.
Le départ est prudent, nous sommes précédés d’un bénévole qui a fait la Transaq en tant que coureur dans les années passées. Il fait quelques centaines de mètres, puis nous lâche.
Les leaders s’observent. Walter ne joue pas la gagne de l’étape et Jérôme la craint en raison de douleurs sournoises. Quant aux poireaux comme moi après quelques centaines de mètre, je suis rassuré, j’ai des jambes, au moins au début ! On a convenu Lulu et moi de finir cette étape ensemble. Il a à gérer, de gros problèmes de plaies aux orteils et de tendinite du jambier antérieur. Ce sera dur pour lui au début et pour moi sur la fin. Comme je le redoutais, les 15 kilomètres de plage sont interminables, coupés seulement par le courant du Huchet, que nous passons à gué. Gué pour lequel on était sensé avoir une stratégie… de grands sacs poubelle serviraient de cuissardes. C’était sans compter sur les pierres du fond de la rivière qui, dès le 2ème pas dans l’eau crevèrent les sacs et les emplirent. L’eau arrivait à la mi-cuisse, le courant était puissant, mais heureusement une ligne de vie avait été installée.
C’est donc les pieds trempés qu’il faudra faire les 6 derniers kms.
Par bonheur, la marée était descendante, permettant d’aller chercher des appuis en limite d’eau… ce qui est trompeur avec le sac et le ressac.
Lors d’un moment de manque de lucidité, on a même remis une couche d’eau aux guêtres et aux chaussures !
Malgré un gros coup mou au 17-18ème kilomètres, traîné littéralement par Lulu, on finit l’étape comme des avions, doublant Frédéric, un colocataire de la Gracieuse qui avait pourtant terminé 5ème de la 2 ème étape !!!
On est encore ex aequo, Lulu et moi, à la 32ème place de l’étape, ce qui me met 45ème au classement général ! C’était inespéré…
Walter nous attend, appareil photo en main, prenant tous les arrivants avec lesquels nous avons partagé… les potes de la tente et les pompiers de l’Ain essentiellement.
Au départ de l’étape, comme d’habitude, Valérie n’avait pas la pêche. Quand arrêtera-t-elle de se sous-estimer ? Alors que c’est un exemple de courage et de persévérance…

Cette course, elle la terminera bien ! Juste derrière Ghislain, après Walter, Lulu et moi, Fred, Marc, Jean-luc et devant Arnaud, à la dérive entre ses soucis de genou de tendinite du jambier antérieur et Daniel qui ne sera pas dernier de cette étape.
Daniel, autre exemple de courage, ira jusqu’au bout malgré des plaies très inflammatoires des deux pieds ayant nécessité un parage et des pansements avec pommade antibiotique qui tiendront jusqu’à l’arrivée et même au-delà !
Le groupe formé au hasard des 6 jours de course étant arrivé au complet, tous sont donc « finisher », une étoile est attribuée à chacun..

Un buffet froid nous attend ; on se délecte !
Après avoir récupéré notre sac de voyage et nos vêtements « civils », nous nous dirigeons vers le centre de vieux Boucau. L’autosuffisance est terminée. On a décidé d’aller à l’hôtel pour cette dernière nuit dans les Landes.
On trouve rapidement notre bonheur. Walter et moi prenons une piaule ensemble ; la chambre des francs-comtois.
A 16 h, rendez-vous est pris dans la chambre des franc-comtois pour arroser entre nous la fin de cette fête. Seuls les bons souvenirs persistent, les douleurs passagères sont ou seront vite oubliées et celles qui persistent seront soignées par le repos essentiellement.
J’avais en secret mis dans son sac une bouteille de champagne pour fêter un titre de finisher qui n’était pas acquis au départ ; Walter fait un saut dans une boutique pour chercher deux bouteilles pour fêter son titre et des gobelets. Les pompiers de l’Ain, qui savent vivre, apportent une bouteille de Cerdon. Sont présents le 1er et le 2ème de l’épreuve (Walter et Jérôme) ceux de la Gracieuse ; Sauf Dye et Daniel que sa femme est venue chercher à l’arrivée.
17 heures on se rend à l’arrivée où un spectacle folklorique landais est organisé (échasses et danse).
A 18 h remise des prix et podium femmes puis hommes, puis aux équipes puis par catégorie d’âge (senior, vétéran1, 2 et 3 des 2 sexes). Tous auront une coupe.
Un par un en partant du dernier, les concurrents sont appelés et honorés d’applaudissements.
Nous recevons tous la même récompense, bien sûr, 2 bouteilles de vin l’une du Médoc (départ du périple) et l’autre est un vin des Sables (arrivée), 1 boite de foie gras, un tee-shirt de finisher, une médaille et un cutiot, récipient, emblème des Landes qui servait à recueillir la résine des pins. Gérard va même jusqu’à affirmer, qu’il les a recherchés un par un et tous nettoyés... En ce qui me concerne, j’en choisi un ébréché ayant manifestement contenu de la résine. Je ne sais pas si tous étaient aussi « authentiques ».

Puis on migre vers le gymnase dans lequel une grande partie de la troupe dormira à la dure, une dernière fois ! Les autres ayant opté, comme nous, pour le confort d’un hôtel au matelas bien souple…
Dans ce gymnase est organisé un buffet autour d’un orchestre de cuivres (saxo, basson) type « big band » de New Orléans ! Remarquable de qualité.
Les entrées variées et la maxi paëla sont arrosées de Médoc et de vin des Sables. L’eau des Abatilles ayant soudain (comme Gérard l’avait annoncé !), beaucoup moins de succès qu’au départ, le soir de la pasta !!
Vers 23 h 30, on laisse la place aux compagnons qui dorment à la dure pour regagner notre hôtel, en faisant un crochet par la rue piétonne, à la recherche d’une dernière taverne. On tombe sur un café dans lequel un chanteur est en représentation. On décide de s’y arrêter et de prendre une bière.
Sont présents, à la première tournée, Daniel et son épouse + une amie, Valérie et sa sœur Frédéric et ceux qui dorment dans le même hôtel que nous, Marc, Jean-Pierre, les 4 de l’Ain, Walter et moi. Pour la 2ème tournée de demis, ne restent que ceux de l’hôtel. Vers minuit 30, on rentre à l’hôtel où l’on s’endort comme des souches, dans un lit douillet !

Dimanche 8 juin
Réveil 7 h 15, douche, rangement des sacs pour ne rien casser et direction plus ou moins laborieuse en fonction de l’état des pieds ou des tendons vers le gymnase pour le petit déjeuner et les adieux.
Le bus nous prendra vers 9 h.

Adieux difficiles… l’impression de quitter une communauté dans laquelle on se sent intégré, pour laquelle la lettre de Philippe Billard : Mon Royaume pour une Lettre est une philosophie, « a way of life » disent les Anglais. Le jeu de mots entre solitaire et solidaire me plaît. Cette lettre est affichée, comme je le disais au début de ce récit, dans ma salle d’attente et fait réfléchir beaucoup de mes patients et amis….
Cette lettre est à mettre en miroir avec l’égoïsme galopant qui mine notre société du chacun pour soi, quitte, parfois à écraser son voisin et son prochain…
Des affiches de l’épreuve sont à disposition des coureurs qui, dernier exercice, traquent les « vedettes » vainqueurs et autres nouveaux amis rencontrés en cette semaine mémorable pour obtenir une signature ou une dédicace.

En conclusion :
Gérard et Caroline, gardez un prix abordable si possible, gardez ce format de course, seul format permettant de valoriser les contacts humains et de modifier certains esprits. C’est une semaine de sport, de partage, de réflexion, de douleurs parfois , mais de bonheur, toujours pour ceux qui terminent et reviennent ! Comme coureurs ou, encore plus altruiste, comme bénévoles, aux petits soins des coureurs ; levés avant et couchés après. Merci à eux.
L’humilité, la sympathie et la gentillesse de certains anciens, sur le forum (j’ai personnellement dit merci à Siko) sont à mettre en face de la moquerie d’autres, qui ont un avis sur tout et surtout un avis. Ceux-là ne reviendront probablement pas…

Jean-Luc Boiteux

Je tiens à disposition la composition de mes repas d’une part et l’inventaire du sac de course de 5520 grammes d’autre part.


Le joyau promis

Mon royaume pour une lettre.

On se dit tous forcément un jour que l’ultra est un sport ingrat, qu’on est un incompris. On se demande pourquoi les collègues de bureau nous traitent de fada et pourquoi nos familles sont inquiètes. Si nous en retirons une certaine solitude, elle est aussi, parfois, teintée de fierté. Je ne parle pas ici de cette fierté ahurie d’arriver à bout d’épreuves apparemment difficiles. Je parle de cette fierté de le faire en restant toujours lucide et toujours attentif au monde qui nous entoure.
Car courir un ultra, n’est pas juste un moment privilégié d’introspection. Courir un ultra, c’est aussi une aventure qui nous guette, des sourires qui s’esquissent, des rencontres qui nous marquent et même parfois, des rencontres qui changent notre vie. Et voilà que l’ultra nous offre son plus beau paradoxe. Il passe du statut de sport solitaire, aride, ascétique, mal compris, à celui de pratique solidaire, ouverte à l’autre et qui sait faire fi de soi pour l’intégrer dans sa sphère personnelle.
C’est là que toute la magie des kilomètres opère, comme si le bien être des premières foulées rendait égoïste, jaloux de son plaisir.
Puis peu à peu, on devient faible, on se replie, on souhaite que plus personne ne nous adresse la parole pour pouvoir souffrir en silence. Trente-cinq kilomètres. Quarante kilomètres. Cinquante kilomètres. Trois heures de course. Quatre heures de course. Huit heures de course. Peu à peu, on se prend à regarder autour de soi, à espérer un petit encouragement, un petit applaudissement.
Il n’y a plus d’adversaire, on vit la même expérience intense que ses compagnons de route. Peu à peu, on devient aimable en ressentant cette bouffée d’énergie à chaque encouragement d’un frère ou d’une sœur d’armes. Les liens se resserrent et ces coureurs avec qui l’on fait le yo-yo depuis des heures deviennent des amis.
Conscients de ce qu’ils nous apportent à ce moment là, il devient bientôt impossible de les abandonner là, alors qu’ils affrontent un terrible coup de barre. Le solitaire devient solidaire et c’est juste une seule petite lettre qui change, comme un équilibre instable qui nous aide à affronter l’adversité ou au contraire, à apprécier le moment présent.
Le plaisir de changer à satiété le « d » en « t », puis le « t » en « d » à nouveau, je l’échange contre mon royaume en friche de bonheurs inutiles.

Philippe Billard, rédacteur UFO.

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